La guerre est de retour, parmi nous. Nous l'avions presque oubliée. Pendant cinquante ans, l'assurance de la mort nucléaire pour tous a tenu la guerre en lisière. La peur n'est peut-être plus l'unique antidote contre la guerre. À l'exemple de la construction européenne, les pays cherchent la paix en se liant étroitement les uns aux autres par des règles et des intérêts communs. Comme si la guerre pouvait être prise dans les filets de l'intégration par le droit et l'économie. Cet espoir est vain. Car désormais les guerres ne naissent pas de la puissance des États, mais de leur faiblesse. L'enjeu de la paix, c'est la légitimité des États : dans nombre de pays, ils n'incarnent rien ni personne. Faute d'États qui symbolisent l'évidence d'être ensemble, les nations se replient sur une identité exacerbée, se fragmentent en États nouveaux : en trente ans, leur nombre a doublé. Et les règles du droit international comme les bénéfices de l'économie mondiale ne les concernent guère. Notre conception de la guerre, forgée au fil de siècles de conflits de souveraineté, se révèle déjà inadaptée à ces guerres de légitimité. La multiplication de celles-ci nous imposent une priorité : consolider des États légitimes, seuls capables de tracer un destin pour ceux qu'ils représentent. À défaut, la panne des États assurera le bel avenir de la guerre.
Cet essai a trente ans. Il devrait donc être obsolète puisqu’il traite avec très peu de recul temporel des conséquences de la fin du monde soviétique sur les relations internationales. Et pourtant il frappe par l’acuité de ses observations, par la prescience de ses anticipations et, plus généralement, par les leçons qu’il nous donne sur l’aveuglement des gouvernements occidentaux depuis trente ans. Bien entendu, la masse d’exemples tirée de l’actualité des années 1990-94 n’est plus vraiment pertinente et les extrapolations que l’auteur en tire tombent souvent à coté de ce qui vraiment passé dans tel ou tel cas particulier. Mais ce n’est pas important. Car Philippe Delmas a surtout brossé le portrait étonnamment précis d’un monde post-bipolaire dominé par la crainte atomique, un monde promettant un « bel avenir » à la guerre. Après une analyse fine de la déglaciation post-soviétique des relations internationales, ce sont toutes les illusions dont se sont bercés - et se bercent encore - les dirigeants occidentaux sont mises à bas tour à tour : illusion commerciale, illusion juridique, illusion humanitaire. L’auteur est un tenant de la realpoltik, celle dominée par les rapports de force et les intérêts bien compris des participants au jeu international. Ce qu’il souligne, c’est le mélange de réactions émotionnelles de courte durée et d’impuissance auquel se condamnent les nations refusant d’exprimer une doctrine stratégique de leur intérêt national. Et en insistant dès le début de son ouvrage sur l’importance à venir des crises de légitimité des États morcelés et/ou abouliques, il annonce les guerres internes qui menacent les pays incapables de s’unir autour d’une identité nationale forte. Il appelle notamment au réveil des nations européennes, qui doivent comprendre que la parenthèse pacifique - pour le continent - de la guerre froide a été exceptionnelle. La guerre a vraiment un bel avenir, et est plus proche qu’on ne le croit. Bref, c’est un ouvrage qui révèle aussi ce que l’auteur n’avait pas anticipé. Une lecture éclairante.
Picked this up at my favorite used book store when a quick glimpse suggested that this 1995 might offer some interesting perspective on where we are in 2015 re war, conflict, peace, etc. The author got caught out on some things by the chain of events that began on September 11, 2001, but still I found a great deal of food for thought here.