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256 pages, Paperback
First published January 1, 1936
کشتن یک انسان دفاع از یک مکتب نیست. تنها کشتن یک انسان است
Nous croyions déjà disparu à jamais le temps du despotisme spirituel, de la contrainte des idées, de la tyrannie religieuse et de la censure des opinions; nous pensions que le droit de l'individu à l'indépendance morale était aussi absolu que celui de disposer de son corps. Mais l'histoire n'est qu'un perpétuel recommencement, une suite de victoires et de défaites; un droit n'est jamais conquis définitivement ni aucune liberté à l'abri de la violence, qui prend chaque fois une forme différente. L'humanité se verra contester chacun de ses progrès, et l'évidence sera de nouveau mise en doute. C'est justement au moment où la liberté nous fait l'effet d'une habitude et non plus d'un bien sacré qu'une volonté mystérieuse surgit des ténèbres de l'instinct pour la violenter.
Toujours, quand les idéaux d'une génération ont perdu leurs couleurs, leur feu, il suffit qu'un homme doué d'une certaine puissance de suggestion se lève et déclare péremptoirement qu'il a trouvé ou inventé la formule grâce à laquelle le monde pourra se sauver pour que des milliers et des milliers d'hommes lui apportent immédiatement leur confiance. [...] Ce qui, hier encore, avait été leur bonheur suprême, la liberté, ils l'abandonnent par amour pour lui, pour se laisser conduire passivement.
Interdits les théâtres, les réjouissances, les fêtes populaires, interdits la danse et le jeu sous toutes ses formes [...] Interdits tous autres vêtements que les plus sobres, interdit par conséquent aux tailleurs de faire des coupes nouvelles sans l'autorisation du Conseil. [...] Interdites les fêtes familiales de plus de vingt personnes, interdit de servir aux fiançailles et aux baptêmes plus qu'un nombre déterminé de plats ou même de sucreries [...] Défendue, comme le crime des crimes, toute critique à l'égard de la dictature de Calvin. [...] Interdit, interdit, interdit. Et l'on se demande avec stupéfaction ce qui, après tant d'interdictions, peut bien être encore permis aux bourgeois de Genève. [...] Un bourgeois a souri lors d'un baptême: trois jours de prison. Un autre, fatigué par la chaleur, s'est endormi pendant le prêche: la prison. Des ouvriers ont mangé du pâté à leur petit déjeuner: trois jours au pain et à l'eau. Un bourgeois a dit "Monsieur" Calvin au lieu de "Maître" Calvin: la prison, et encore la prison. Mais ce sont les protestations contre la dictature politique et spirituelle de Calvin que l'on punit le plus férocement. Pour avoir attaqué publiquement la théorie de la prédestination de Calvin, un homme est fouetté jusqu'au sang à tous les carrefours de la ville, puis banni. Un imprimeur qui a eu l'audace de lancer des insultes contre Calvin est condamné à avoir la langue percée avec un fer rouge. Jacques Gruet, rien que pour avoir appelé Calvin un hypocrite, est torturé et exécuté.