Plusieurs poussent des cris affolés à propos d’une Université soi-disant assiégée par les féministes et les antiracistes, qui menaceraient jusqu’à l’ensemble de la société au nom de la « rectitude politique ». Pour stimuler la panique collective, on agite des épouvantails –social justice warriors, islamo-gauchistes, wokes, gender studies – et on évoque les pires violences de l’histoire : chasse aux sorcières, lynchage, totalitarisme, extermination. Mêmes des chefs d’État montent au front. Or, cette agitation repose non seulement sur des exagérations et des mensonges, mais elle relève d’une manipulation qui enferme l’esprit et entrave la curiosité intellectuelle, la liberté universitaire et le développement des savoirs.Pour y voir plus clair, cet essai s’intéresse à l’histoire ancienne et récente de l’Université. Il appelle à considérer la place réelle des études sur le genre et le racisme dans les réseaux universitaires – des salles de classe aux projets de recherche –, et met en lumière les forces qui mènent la charge aux États-Unis, en France et au Québec, depuis presque cinquante ans. Ultimement, il s’agit d’un exercice de déconstruction d’une propagande réactionnaire.
Francis Dupuis-Déri est professeur de science politique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Spécialiste des idées politiques et des mouvements sociaux, il est l’auteur de nombreux ouvrages.
Finalement. LE livre sur "les wokes", "la cancel culture" et toute cette panique morale qui parcourt la droite française, québécoise et américaine jusque dans nos médias.
Francis Dupuis-Déri propose un essai qui se base sur les faits plutôt que la panique.
Y a-t-il des cas d'exagérations de la part de militants de gauche sur la campus? Oui.
Est-ce que le phénomène est généralisé? Non. Nouveau? Non plus. Va-t-il en empirant? Pas vraiment.
La couverture médiatique est-elle sensationnaliste dans le but de générer des clics et de pousser le récit politique préféré des riches propriétaires des consortiums journalistiques? Absolument.
Sérieusement, cet essai est nécessaire au débat public, il est bien écrit et bien documenté.
Je crois que ma principale critique serait envers le ton, quelque peu méprisant par endroits (principalement dans le prologue). Je crois que l'auteur risque un peu inutilement de s'aliéner les lecteurs qui auraient le plus à gagner de lire ce bouquin avec cela, même si cela allège la lecture. Bref, il risque de faire paraître plus militant un livre pourtant très factuel.
Excellent essai qui tombe à point nommé, alors que l'épouvantail d'une gauche censée être folle et malveillante est dressé constamment au Québec. Dupuis-Déri m'a aussi fait l'immense plaisir d'exposer la fraude intellectuelle de Mathieu Bock-Côté au grand jour, ce que j'avais espéré trouver dans "Mélancolies identitaires" de Mark Fortier. Un "Circulez, y'a rien à voir" bien argumenté qui ne sera malheureusement lu que par des gens dont le détecteur de discours alarmistes d'extrême droite fonctionne déjà.
"Vous n'êtes pas seulement face à une contradiction performative chaque fois qu'une personne se voir offrir une tribune pour dire qu'elle n'a pas de tribune, ou qu'une personne raconte sans cesse à quel point elle est censurée, vous êtes témoin d'une mécanique de pouvoir."
Essai très bien documenté sur le martelage du soi-disant problème du politiquement correct qui menacerait les sociétés du Québec, de la France et des États-Unis.
À mettre entre les mains de tous les gens qui répètent "On peut plus rien dire."
Excellent livre démontrant bien que les polémistes sensationnalistes actuels ne font que répéter les mêmes discours polarisant qu'autrefois. L'auteur cite des centaines de textes et s'appuie sur des données empiriques pour prouver ses arguments. Il emploie des termes clairs et pointus nous permettant de bien saisir ses propos.
Francis Dupuis-Déri, que j'apprécie énormément comme intellectuel, déconstruit, dans ce petit ouvrage, la panique morale ou la prétendue domination de la pensée woke qui traverserait les Universités occidentales. Son objet principal : l'Université québécoise, mais influencée perpétuellement par ce qui se déroule chez nos voisins du Sud et en France. Qu'est-ce que la panique morale ? :
« La panique est qualifiée de «morale», car elle a pour objet la transgression des bonnes mœurs et des valeurs dominantes auxquelles se conforme la majorité bien-pensante, qui veut préserver l’ordre social et culturel. Des éditorialistes et des experts proposent alors leurs diagnostics et leurs remèdes, qui se résument en général à ramener ces jeunes marginaux dans le droit chemin, quitte à les punir et à les réprimer. Les politiques s’en mêlent, flairant la possibilité d’en tirer des avantages, y compris électoraux. On propose alors des mesures coercitives: nouveaux effectifs policiers, nouvelles politiques, nouveaux règlements, nouvelles lois. »
Au terme de la lecture, plaisante mais parfois aride, j'en ressors avec un regard plus abouti sur le fameux « wokisme », germe soi-disant destructeur de la civilisation occidentale. Pour l'auteur, des sensibilités nouvelles ont émergé par rapport au genre, à la « race », mais au niveau de la théorie, elles demeurent minoritaires en contexte universitaire; Déri démontre comment une large partie des ressources universitaires au Québec est employée à des fins néolibérales. Au niveau de la pratique dans ces mêmes universités, la parole est largement donnée à des hommes blancs, et à des femmes blanches. Et, certaines (voire plusieurs) franges de ces groupes (surtout masculins-blancs) seraient réactionnaires au wokisme (fictif ou réel), alimentant la panique morale.
La démonstration est convaincante. Je ne puis cependant m'empêcher de faire le commentaire suivant : si les mouvements déconstructivistes post-modernes restent minoritaires en contexte universitaire, l'appareil conceptuel qu'ils emploient (sur le genre-la race) s'est largement popularisé au Québec (voire, en Occident plus largement). C'est une observation personnelle, elle vaut ce qu'elle vaut, mais cet appareil conceptuel est galvaudé et utilisé à toutes les sauces dans l'opinion publique (contribuant à une forme de radicalisation de la pensée et de la doxa publique). Et, je crois qu'il s'agit-là d'un sérieux problème.
Donc, quoique l'Université ne soit pas en danger (ce avec quoi je suis d'accord- et j'appuie l'initiative de Déri de déconstruire ce mythe, parce qu'il faut jeter de l'eau sur le feu), je pense que le problème de fond reste le même, soit une société polarisée, entre deux mouvements réactionnaires qui s'entredéchirent.
Petite critique plus négative : je n'ai pas fait de recherches élaborées sur tous les personnages mentionnés dans l'ouvrage, mais le terme « conservateur » est utilisé à de nombreuses reprises pour caractériser une pensée réactionnaire au wokisme; contre le terme « progressiste » pour parler des camarades postmodernes. Cette manière de procéder (à priori) pouvait parfois être dérangeante et la ligne tranchée par Déri semble parfois manichéenne.
Un must d'actualité à avoir tout près dans sa bibliothèque.
« Ce principe général de la liberté d'expression semble aisé à appliquer, puisqu'il s'agirait de laisser tout le monde s'exprimer à sa guise en tout temps. Or, la réalité historique et sociopolitique est plus complexe et l'interprétation de ce principe souvent influencée par le contexte historique et les rapports de force. » (p. 154)
« Vous n'êtes pas seulement face à une contradiction performative chaque fois qu'une personne se voit offrir une tribune pour dire qu'elle n'a pas de tribune, ou qu'une personne raconte sans cesse à quel point elle est censurée, vous êtes témoin d'une mécanique de pouvoir. » (Ahmed, 2016, p. 164)
« Que les dominants voient la véritable liberté, l’égalité et la solidarité comme une menace n’a rien de surprenant. Ils ont beaucoup à perdre… ou à partager. »
Un bon travail de recherche et de synthèse sur les techniques utilisées par l’extrême droite afin de maintenir la population divisée et apeurée de la différence.
Au fil du temps j'ai eu l'occasion de lire quelques textes de Francis Dupuis-Déri, que j'ai toujours trouvé pertinent dans ses interventions, souvent en aidant justement à mettre l'heure juste sur des phénomènes en lien avec les lubies néoconservatrices et réactionnaires. Cet essai est le premier ouvrage complet que je lit de sa part, et j'en ressort avec la forte impression que nous avons besoin que ce genre de voix (derrière laquelle se trouve un rigoureux travail de recherche) soit amplifiée.
En partant du constat de l'accroissement de l'utilisation de termes commes "woke" ou du néologisme "wokisme", l'auteur démontre comment de simples anecdotes n'étant en rien des tendances sociétales, sont amplifiés par des polémistes à la solde d'empires médiatiques possédés par des milliardaires. Dupuis-Déri explique bien comment ces réactionnaires se trouvent dans la fabulation, créant des épouvantails qu'ils décrivent comme des monstres tout-puissants détruisant le tissu de la nation. Sous l'angle d'analyse des paniques morales, on comprend qu'on a affaire avec une longue tradition de conservateurs amplifiant des pécadilles pour ensuite justifier un discours haineux. On comprend bien l'hypocrisie derrière ces gens qui en appelent à la censure alors qu'ils ont les plus grandes tribunes médiatiques, que ce soit aux États-Unis, au Québec ou en France. Dupuis-Déri dresse d'ailleurs un bon portrait du paysage médiatique de l'extrême-droite dans ces trois territoires.
Le style d'écriture de l'auteur se lit très bien car ne se perd pas dans des concepts abstraits et reste plutôt dans le factuel répertorié. L'auteur est clairement militant dans sa démarche, mais son militantisme ne tombe pas dans une émotivité cherchant à simplement démoniser les adversairs d'extrême-droite (tactique plutôt utilisée par ceux-ci). Ça prouve que lorsque la recherche et les faits penchent plus d'un côté, on a moins besoin de faire appel aux tripes des gens pour susciter une prise de conscience.
Ce livre m'a semblé être une sorte de manifeste, pour régler des comptes une bonne fois pour toutes et rectifier le mythe qu'il y aurait "quelque chose qui se passe" dans les universités, avec les jeunes wokes qui détruiraient tout l'édifice de la connaissance avec leurs idées progressistes. Depuis-Déri critique les idées de plusieurs auteurs, chroniqueurs ou autres personnalités publiques, leur reprochant notamment de faire des métaphores exagérées (ex.: parler de nazisme contre les blancs, de fascisme, etc.). En lisant ce livre, leurs arguments paraissent effectivement ridicules et loin d'être convaincants. Cela dit, je doute que ce livre puisse convaincre les personnes "de droite", j'ai l'impression qu'il s'adresse davantage aux converti-e-s.
Un livre vraiment intéressant que j'ai accueilli comme un vent de fraîcheur. J'ai beaucoup aimé comment l'auteur décortique et met en évidence les défauts et les mensonges qui se cachent derrière le discours des Mathieu Bock-Coté et des Joseph Facal de ce monde. Un livre que tout le monde devrait lire!
Si j’étais Mathieu Bock-Côté, je me sentirais petit dans mes shorts. Dupuis-Déri défait le discours d’opinion par des statistiques et des faits historiques, bref par de la recherche rigoureuse. Ça fait du bien.
Enfin un livre qui fait lumière sur un “problème” inexistant. Un ton moqueur de temps à autre allège la lecture et est très efficace. Un livre basé sur des faits plutôt que sur le sensationnalisme médiatique.
Un autre excellent cahier d’argument de Francis Dupuis-Déri. L’essai nous rappelle de faire attention aux agitateurs et réactionnaires qui pointent du doigt les épouvantails.