Mon existence durant, je m’en souviendrai. De ce voyage vers lui. De cette guérison à coups de serpe. Et de Prague qui tout le jour n’a su émerger de ses brumes, ni le ciel se délester de sa neige.
Patrick Poivre d'Arvor (born Patrick Poivre) is a French TV journalist and writer. He is a household name in France, and nicknamed PPDA. With over 30 years and in excess of 4,500 editions of television news to his credit, he was one of the longest serving newsreaders in the world until he was fired in 2008. He presented his last newscast on TF1 on 10 July 2008.
Au début de ma lecture, je me suis vraiment attachée à Youki : à sa personne, à son besoin d’amour, à sa souffrance liée à son trouble alimentaire, à son passé… Je voulais la comprendre, la suivre, la voir évoluer. Mais au fil du roman, un malaise s’est installé.
En analysant comment son corps et ses émotions sont décrits, on ressent tout de suite que l’écriture est masculine. Elle est constamment sexualisée, parfois de façon implicite, parfois presque assumée. Sa fragilité devient esthétique, sa souffrance est romantisée, et son corps est décrit avec un regard voyeuriste, comme si elle devait être contemplée plutôt que comprise. Ce n’est pas une vraie psychologie féminine qu’on nous raconte, mais un personnage construit comme un fantasme littéraire. C’est clairement du male gaze appliqué à l’écriture : une femme présentée comme poétique, éthérée, brisée, presque “jolie dans son malheur”.
Ce qui m’a le plus choquée, c’est aussi la banalisation de sujets d’une lourdeur immense. Le viol est mentionné sans réflexion, sans but, presque comme un mot qu’on jette dans le récit au hasard. C’est violent à lire, et surtout irrespectueux pour toutes les victimes. Les violences conjugales sont décrites d’une façon aberrante : la phrase « il me bat parce que je lui demande qu’il m’aime » m’a frappée comme une gifle. Comme si la violence avait une excuse romantique. L’inceste aussi est traité avec un détachement troublant : elle manque d’avoir une relation avec son propre père, et même s’il ne savait pas qu’elle était sa fille, il est écrit comme un pervers narcissique, “affamé de manque”. Tout cela est décrit comme si c’était presque normal dans l’univers du roman, ça ne l’est pas, et ça ne devrait jamais l’être.
À la fin, Youki incarne un archétype : jeune, fragile, mystérieuse, brisée, existant surtout pour inspirer les hommes autour d’elle. Elle reste enfermée dans un rôle qu’on observe, qu’on désire, qu’on plaint, mais qu’on ne laisse jamais vraiment être. Sa minceur maladive, sa vulnérabilité, sa sensualité diffuse, tout semble pensé pour intensifier le drame, pas pour raconter une vraie femme. Et ça pose une vraie question sur la façon dont les Poivre d'Arvor brothers écrivent les femmes en général.
Et pourtant, l’histoire en elle-même a du potentiel. Le mystère, l’imposture littéraire, la découverte du faux auteur… tout ça, j’ai aimé. C’est bien écrit, intrigant, captivant. Mais ça ne suffit pas à effacer le reste. La fin m’a profondément déçue : je m’attendais à quelque chose de plus fort, plus logique. Elle manque de sens, d’impact, comme si tout le récit espérait une conclusion qui n’arrive jamais.
Je suis surtout déçue parce que je m’étais attachée pour de vrai à Youki. Et je reste convaincue d’une chose : si ce livre avait été écrit par une femme, on aurait senti une profondeur émotionnelle différente, plus réelle, plus respectueuse, plus sensible à son vécu. L’histoire mérite mieux, Youki mérite mieux. Ce roman aurait pu être bouleversant… mais il s’est perdu dans son propre regard sur elle.