What do you think?
Rate this book


128 pages, Paperback
First published January 1, 1994
Il est dans le SAS-KAT-CHE-WAN, SAS-KAT-CHE-WAN, retiens ce nom pour toujours sinon gare à l'autre oreille, pauvre quidam!
Voilà : lorsque WAAQ, le dieu anté-islamique des Somalis, notre grand créateur, a donné à l'Ancêtre le chameau, l'animal de la vie dans le désert, WAAQ a demandé à l'Ancêtre de lui sacrifier ce qui lui était le plus cher.
Roulements de tambours : il atteindra Nazareth, la bien nommée. Il sillonnera les flancs méandreux des montagnes du Choa. Ménélik jubilera. Paris soupirera. Addis-Abeba, la nouvelle fleur de l'Empire abyssin toujours conquérant, lui sourira. Addis-Abeba, la capitale rutilante, laissera s'épancher la sueur des ouvriers. Une petite lune blanche ouvrira les festivités. Un jour immensurable : champagne, vin de palme, hydromel abyssin, sodas pour les austères musulmans. Coups de canon depuis la garnison d'Entoto... La ligne sera ouverte le 2 juin 1917. Vive la Compagnie de Chemin de fer franco-éthiopien.
Il a peiné du côté d'Awash (la ville), le territoire est basaltique, la population afar, issa ou orgabo.
L'un est peintre de la mer par vocation, l'autre est buveur de vent par déréliction ; tous deux sont chômeurs. Badar et Dabar ont pour ami un sculpteur de songes tout aussi hailloneux qu'eux. Davantage ils se voient, moins ils ne voient pas le reste de la société. Les autres sont mobilisés pour défendre le pays. La guerre incivile sévit alentour. Mais Badar et Dabar ne l'entendent pas de cette oreille : et pour cause, ils dominent les autres de la tête et des épaules.
En vérité, nous sommes élevés dans le but clairement souligné de sustenter le jour venu nos frères, nos soeurs, nos parents, la grande famille et pourquoi pas la fraction ou le clan dans sa totalité ? Et pourtant nous sommes lâchés dans la jungle civile sans la moindre peseta, et nous sommes (moi déjà et vous bientôt) condamnés à jouer pour tous l'opéra mesquin - entretenant l'illusion qu'on servira à quelque chose un jour ou l'autre.
Tout bon Troglodyte va muer, c'est-à-dire, après chaque cycle, changer d'opinion politique, de relations, de profession, de religion et même souvent de famille. Il est banal qu'un Troglodyte trahisse ses plus proches parents tous les vingt jours pour sauvegarder sa réputation et son statut social. Il n'est pas rare qu'il change aussi de trou, de cavité, de grotte pour un autre trou, une autre cavité ou une autre grotte en tous points semblables à la première juste pour renier ses camarades d'hier. Était-ce le propre des Troglodytes que d'être sans cesse changeants, caméléons imprévisibles ?
Il dormait à la belle étoile comme les pasteurs d'autrefois, de l'époque du Xeer et d'avant le déluge.
Au commencement était l'ogresse. Puis vinrent les hommes qui la vainquirent. Sa mort avait donné naissance à cette ville blanche et lépreuse qui porte en son sein le sceau indélébile. Qu'on s'entende : Djibouti (ou plus exactement « Jabouti ») signifie selon une légende toujours en vigueur la défaite (Jab) de l'ogresse (Bouti).
Pour la petite histoire (qui éclaire bien souvent la grande Histoire), Hamoud est un Toumal, c'est-à-dire qu'il appartient à une caste jugée inférieure et par conséquent méprisée et tenue à l'écart par l'ensemble des ethnies somalies. Les Toumals, parce qu'ils travaillent le fer, sont victimes d'une véritable ségrégation qui ne dit pas son nom.
Juste sous le robinet de la glacière, enveloppé dans un chiffon constamment humide : le khat, la plante de toutes les convoitises dans cette partie du monde. La plante magique. Maléfique. Le khat se présente sous forme de brindilles tenues ensemble par une fibre couleur de liège provenant d'une feuille de bananier.