La grande bourgeoisie se protège et vit cachée dans les espaces privés qu’elle s’est créée, fuyant toute forme de mixité sociale. À l’abri de ces enclaves, les grandes familles restent entre elles, afin de reproduire un schéma social et de protéger leurs valeurs. Plutôt que d’étudier les ghettos subis, dans lesquels vivent les déshérités, les auteurs ont préféré s’intéresser à cette autre forme du phénomène : les ghettos choisis, ceux de la haute bourgeoisie française.
J'avais beaucoup d'attentes sur ce livre et j'avoue être assez déçue. Je m'attendais à lire le récit et l'analyse d'une enquête sur la grande bourgeoisie mais le livre correspond plutôt à un portrait de celle ci. Le corrolaire de ce constat : une profusion de noms, énumération de faits et d'anecdotes qui bien que non anecdotiques restent que très peu analysées. La sensation que j'ai eu en fermant le livre est alors celle de ne pas avoir retenu grand chose. Paradoxalement, on ne ressent que très peu le terrain d'enquête ce qui est aussi dommage pour un livre de sociologie.
Cependant, il y a quand même des apports très intéressants :
- l'analyse de la grande bourgeoisie comme "la réalisation la plus achevée de la notion de classe sociale" étant donné l'"interrelation latente ou active de tous les membres du réseau"
- cette classe ne dépend pas d'un système de dons/contre-dons (cf Mauss) mais de "que chaque membre du réseau puisse compter sur la solidarité éventuelle de tous les autres"
- la convergence propre à la classe dominante entre ses intérêts particuliers et l'intérêt général à travers la conservation du patrimoine
- la capacité de la grande bourgeoisie à influer sur les décisions politiques qui ne se fait pas automatiquement mais qui est l'objet d'une lutte (lobbys, assos, etc)
- les nuances apportées aux analyses de A-C. Wagner sur la classe internationale. La grande bourgeoisie a un réseau international important mais reste paradoxalement très enracinée dans le national par son patrimoine.
- l'introduction en conclusion des concepts de capital patrimonial et capital mondain qui mériteraient d'être plus développés
Enquête sociologique intéressante et complète sur la grande bourgeoisie et l'aristocratie française. Un ouvrage publié par deux sociologues spécialistes du sujet qui ont réussi à rendre leur recherche tout à fait abordable pour un public non spécialiste. Seul regret: il aurait été bienvenu que les auteurs présentent plus en détail les processus éducationnels par lequels les individus intègrent l'ethos de classe ainsi que les rôles familiaux qui ne sont qu'effleurés en fin d'ouvrage.
« La défense de son pré carré n’est en rien spécifique de la bourgeoisie, mais elle a les moyens de son efficacité. »
Faisons court, pour un livre qui l’est, trop…
Les auteurs commencent par poser des axiomes très intéressants avec une analyse qui l’est tout autant. On sent tout de suite la marque de Bourdieu sur leurs travaux, eux-mêmes s’en revendiquent ouvertement d’ailleurs.
Ils mettent en lumière l’esprit de corps qui anime la haute bourgeoisie française, qui, poussée par la défense de ses intérêts, s’incarne comme une véritable personne morale, comme une entité au sein de laquelle chaque membre rend service à son prochain en ignorant la logique même de don contre don, comme le précisent les auteurs. Cet entre-soi est non seulement réel mais bien voulu. En somme, les riches ne veulent pas se mélanger avec les pauvres afin de préserver, de pérenniser et de léguer leur patrimoine, quel qu’il soit (culturel, social, patrimonial, économique), comme le montre le refus de se soumettre à la loi SRU. Ces communes préfèrent payer d’importantes amendes plutôt que de voir s’implanter des logements sociaux dans leurs quartiers.
Les auteurs se livrent à une véritable analyse des pratiques mondaines et de l’habitus bourgeois, comme la construction des beaux quartiers à Paris, notamment à Neuilly, ou encore la pratique du rallye que j’ai personnellement trouvée très bien analysée.
Ils puisent aussi largement dans le registre de la violence symbolique qu’exercent ces classes dominantes sur le reste de la population et dans l’inconscient collectif pour expliquer cette ghettoïsation permanente.
Seulement voilà… sur 300 pages, les 100 premières sont d’une grande richesse et le reste n’est qu’une série de portraits que j’ai trouvés plus ou moins confus, une énumération de dates, de lieux et de noms qui semblent s’apparenter à de l’ethnographie. Toutefois, ces portraits ne sont pas accompagnés d’analyses suffisamment développées à mon sens, voire dans certains cas quasi inexistantes. J’ai vraiment l’impression que le livre n’est pas fini et qu’il en manque bien la moitié.
La finalité de l’ouvrage, qu’on la partage ou non, fait écho à l’actualité grenobloise et reste intéressante. Les auteurs souhaitent lever le tabou sur cet entre-soi qui créerait la violence dans les quartiers les plus miséreux : la violence symbolique se transformerait en violence physique.
Ouvrage de référence s’il en est, mais seulement à son époque. La partie intéressante du livre a déjà été transposée dans les manuels de SES de terminale, je ne crois pas que ce soit un must have sauf pour les gros curieux.
Comme d’habitude les Pinçon-Pinçon-Charlot présentent une étude sociologique riche et passionnante. L’ouvrage conclut sur les remerciements des deux sociologues qui partent à la retraite, un hasard bien triste qui fait coïncider ma date de lecture avec le décès de Michel.
Un resucé en version journalistico-médiatique de différentes enquêtes sociologiques sur les plus riches. Génial pour ceux qui n'avaient pas lu leurs précédents bouquins et dommage pour les autres. A quand de nouvelles données sur nos grands patronset leurs familles?
Très intéressant. Si j'ai eu du mal avec le plan, l'ouvrage est très accessible et emmène dans l'argumentation de ses auteurs avec talent. J'ai beaucoup appris, des formes jusqu'aux lieux et méthodes de socialisation. Il me tarde de regarder le documentaire qui y est dédié