« Je n’avais pas compris grand-chose au téléphone quand la directrice de cette association du parc de La Villette m’avait contacté. Ce que je pouvais dire, c’est qu’elle cherchait un journaliste pour animer des ateliers d’éducation aux médias, et comme c’était devenu ma spécialité, je m’étais dit pourquoi pas. J’avais dû lui faire répéter plusieurs fois : c’était pour un stage de “TIG”. — Vous savez ce qu’est un TIG ? — Bien sûr ! Enfin, je crois… Moi, Basile de Bure, petit bourge des beaux quartiers, face à une bande de délinquants, potentiels fichés S ? L’idée de la remercier poliment m’avait traversé l’esprit, et puis je ne sais pas pourquoi, je m’étais repris. Après tout, j’en étais peut-être capable. Et j’étais trop curieux. »
Baya, Kaïs, Ezra, Joey, Gabriel, Julien ou Bakary ont tous été condamnés, pourtant leurs chemins ne se ressemblent guère. Au plus proche de la vérité, Basile de Bure fait le récit de leurs jeunes vies, de la fracture et remue ce que leurs parcours disent de nos peurs, du racisme, de notre aveuglement face à une jeunesse bouc émissaire d’un système incapable de se réformer. La culpabilité, le remords et le droit à l’oubli sont au cœur d’histoires humaines réduites à des faits divers, tandis que l’ombre de la prison et de sa tache indélébile hante ces existences au plus près de la nôtre.
Le journaliste Basile de Bure retrace le parcours de jeunes délinquants qu'il a rencontrés lors d'ateliers d'éducation aux médias, dans le cadre de leurs heures de travaux d'intérêt général. Avec un style superbement fluide et personnel, celui qui a grandi dans un milieu bourgeois nous invite à plonger dans une profonde réflexion sur l'injustice qui frappe les jeunes des milieux les plus défavorisés. Le portrait n'est pas édulcoré et les miracles sont absents. Cependant, l'auteur parvient à dépeindre des trajectoires difficiles de jeunes qui, bien qu'ils commettent des délits, expriment un mal-être dont la société est en grande partie responsable. À travers des rencontres avec des magistrats et des commissaires, on découvre des agents engagés, malgré la complexité du système judiciaire et la corruption d'une partie, certes infime mais violente, de la police. C'est une superbe invitation à repenser la solution carcérale, à envisager des sanctions alternatives plus efficaces, et surtout à réfléchir sur notre société pour mieux soutenir les familles et les jeunes des milieux populaires qui ne cherchent finalement qu'à réaliser leurs rêves, comme nous tous.
Basile de Bure est un journaliste qui a fait son travail. Il nous raconte les parcours de vie de plusieurs personnes condamnées par la justice de façon éthique et bienveillante, sans oublier sa position sociale de bourgeois qu’il parvient en même temps à remettre en question dans son rapport aux personnes qu’il interview. J’ai beaucoup apprécié ces partages, ces échanges, qui nous rappellent que la prison n’est rien d’autre qu’un outil raciste qui enferme les pauvres et que d’autres moyens de « faire justice » sont possibles.