Québec, le soir du 30 octobre 1995. Le peuple québécois s'apprête à se prononcer pour une deuxième fois en moins de vingt ans sur son avenir politique au sein de la Confédération canadienne. Emotif et dramatique jusqu'à la fin, le référendum se solde par un échec serré au niveau du décompte électoral, mais il démontre à quel point le nationalisme québécois n'a pas reculé dans l'esprit des gens. L'année 1995 marque également la fin d'une autre période forte de l'histoire du Québec. L'annonce de la vente des Nordiques à des intérêts américains et le départ de la concession vers le Colorado vient mettre fin à une véritable saga entre les deux principales villes de la province. Décision liée à la nouvelle réalité économique de la Ligue nationale de hockey (LNH), la perte des Nordiques affecte bien plus que les citoyens de la capitale nationale. Les Québécois viennent de perdre une partie de leur patrimoine culturelle. C'est que la rivalité Canadien-Nordiques a divisé pendant plus de quinze ans les familles québécoises, qui se réunissaient pour l'occasion à la grand-messe du hockey du samedi soir. L'attachement profond des Québécois à l'une ou l'autre des équipes va bien plus loin que la partisanerie sportive à proprement parler. La rivalité sportive Montréal-Québec s'insère dans une période charnière du nationalisme québécois. Faisant le pont entre les deux référendums, elle se substitue aux luttes politiques et constitutionnelles de la décennie 1980-1990, pour devenir l'un des principaux exutoires de la fierté nationale québécoise de l'époque. A n'en point douter, cette rivalité a marqué profondément le Québec et les Québécois. Mis à part les cris, les huées, les bagarres et les buts, que se cache-t-il derrière la mythique rivalité Canadien-Nordiques des années 1980-1990 ?
Dans ce livre tiré de son mémoire de maitrise en histoire, Steve Lasorsa propose d’observer le contexte de dualité nationale au Québec sous l’angle de la rivalité Canadien-Nordiques qui, débutant avec l’entrée dans la ligue nationale du club de Québec en 1979 jusqu’à son départ en 1995, coïncide avec la période référendaire (1980-1995). L’étude prend parfois des raccourcis, y va de généralisations et de simplifications, et offre une analyse historique qui reste plutôt superficielle, s’appuyant sur un corpus de sources limité. Mais les questions soulevées, si elles ne sont pas toutes répondues, sont toutefois dignes d’intérêt. Des lieux d’affrontement aux déclarations incendiaires, en passant par l’utilisation de symboles, les figures emblématiques et la récupération politique, les thèmes abordés permettent d’en apprendre plus sur la sociologie du sport dans le contexte québécois, ainsi que sur un pan de la culture qu’on a peut-être tendance à placer trop souvent et trop facilement dans la case du simple divertissement. C’est avec un brin de nostalgie que j’ai lu ce livre qui, malgré quelques lacunes, demeure pertinent et très intéressant à lire.