Anne Akrich

“Bien sûr, on se dit qu'il faudrait arrêter de payer les dettes qui ne nous appartiennent pas. Tout en crevant de culpabilité, j'avais l'intuition qu'eux, le tonton, les violeurs, les dévoreurs d'enfants, n'étaient rongés par aucune honte. Ils l'avaient déposée dans notre camp. Avec quelle facilité les violeurs se délestent de leur honte. Parviendraient-ils à se regarder dans un miroir en se disant qu'ils sont des monstres ? Acculés dans leur prison, c'est leur haine des autres qui les tient vivants. En violant, les hommes se nimbent d'un écrin de pureté. En éclaboussant autour d'eux, ils se purifient. Leur âme est sans tache. Notre visage est grêlé.”
― Anne Akrich, Le Sexe des femmes. Fragments d’un discours belliqueux