Watership Down – Richard adams
Ce livre est un très grand classique anglais, doublement médaillé. Il a été publié en 1972, par un homme d’âge moyen, qui avait commencé par raconter les aventures de deux lapins de garenne à ses filles et qui avait été instamment prié d’écrire la suite. La version française a été rééditée il y a quelques années par Monsieur Toussaint Louverture, en un magnifique ouvrage, que vous trouverez ici. Une merveille à mettre entre toutes les mains !
C’est une histoire de lapins. Les héros sont des lapins, le monde est perçu à travers leurs sens, en particulier les humains, les chats, les chiens, tous les autres animaux sauvages. C’est aussi une histoire écrite initialement pour des enfants. Cependant il serait bien triste de cantonner de livre à un conte gentillet, qui parle de mignons lapins… Si bien des tableaux bucoliques des garennes de Watership down peuvent séduire le lecteur en lui évoquant les beautés de la nature, il n’y a rien de mièvre ou d’idéalisé dans les aventures épiques de Fyveer, Hazel et tous les autres !
L’auteur a fait quelques choix à propos de ces lapins de garenne, dont il ne se justifie pas, ce qui est à mon sens un trait de génie : les lapins parlent, comme tous les autres animaux (pas de langage commun cependant, même s’il existe des similitudes suffisantes pour se comprendre) et possèdent une intelligence équivalente à celle des humains.
Ils éprouvent des sentiments aussi, dont certains très nobles ou passionnés, mais toujours teintés d’esprit « lapinesque » : leur philosophie de la vie est bien différente de la nôtre, tous comme leurs objectifs, très clairs : survivre et se reproduire.
Malgré ce parti pris, cette histoire extraordinaire présente d’innombrables analogies avec les contes épiques, les légendes, les récits d’aventures et de batailles, propres à bien des récits depuis la nuit des temps. Les actes héroïques, les causes nobles, la fièvre d’exister, l’humour, le sens des responsabilités, les tiraillements entre la routine et de folles idées d’initiative et d’inventivité fourmillent dans le texte, comme pour offrir un modèle à l’humanité.
Il n’y a a pas vraiment d’anthropomorphisme, mais plutôt un lapinomorphisme latent !
Les aventures d’Hazel et de son frère, le frêle Fyveer, commencent dans leur garenne, qu’ils doivent quitter en toute hâte, avec quelques compagnons, les rares lapins à prendre au sérieux les visions de Fever. Il leur faudra accomplir tout un périple, trouver un endroit pour créer leur propre garenne et se battre pour y vivre heureux et en paix.
La vie des lapins est dure, pleine de beautés et de mystères, mais aussi de dangers permanents. La nature, qui se résume ici à un à tout petit morceau de campagne anglaise, nous est livrée par petites touches, à travers les sens aiguisés des lapins, belle et sauvage, pleine de bruits et d’odeurs. Les traces laissées par l’homme apparaissent comme une pollution, leurs gestes semblent brutaux et incompréhensibles, leur manque d’animalité pathétique et inquiétant.
Les péripéties des personnages sont nombreuses, ponctués par les besoins vitaux des lapins : se nourrir, dormir, se soigner, se déplacer. Le tout forme un ensemble parfaitement homogène, jamais ennuyeux, passionnant et souvent amusant, ou bien très sombre…
Le talent de l’auteur nous permet de voir et de sentir comme ces lapins, de partager leurs soucis et leurs rêves.
Quelques légendes du très célèbre lapin El-ahrairah et de son acolyte Rabscuttle viennent parfois égayer le récit, et expliquer les inspirations de génie des courageux lapins. Ces petites histoires sont de vrais bijoux, toujours bienvenues et très réussies dans un style qui rappelle les légendes antiques ou les contes de mille et une nuits, le tout à la sauce lapin, tout à fait dans le style de Beatrix Potter 
Richard Adams a réussi le tour de force de créer de nombreuses personnalités bien différentes pour tous ses personnages, leur accordant des défauts et vertus crédibles et émouvants. L’organisation hiérarchique des garennes vous semblera bien familière, tout comme la subtilité des rapports de force ou de confiance entre les lapins. L’auteur a servi dans l’armée pendant la seconde guerre mondiale, et cette expérience (certainement de meneur d’hommes) sert son récit, lui conférant une sagesse pleine de compréhension et de chaleur humaine (hum, lapine !).
La grande leçon de ce livre est la vertu à comprendre les différences entre les individus, afin de faire valoir ce qu’il y a de mieux en chacun, pour le sublimer et le conduire vers le bonheur de se sentir utile, apprécié, aimé par sa communauté et ses proches.
J’ai lu plusieurs fois ce livre enfant, et je l’avais adoré. Je l’ai redécouvert, des dizaines d’années plus tard, toujours avec le même émerveillement, mais aussi avec des yeux d’adulte, qui n’en furent pas déçus un seul instant.
Une lecture que je vous recommande chaudement !


