“ Les fonctions accessibles à la grande masse des individus au sein d'une société comme la nôtre, où les tensions sont si nombreuses et la division du travail si accentuée, exigent une spécialisation plus ou moins étroite, tant que l'activité professionnelle occupe la majeure partie de la journée; elles ne laissent donc qu'une marge relativement restreinte et unilatérale aux capacités et aux inclinations de l'individu. La perspective d'un quelconque changement ou d'un élargissement de cette marge, au cours d'une phase transitoire où la société passe d'une organisation des fonctions avec des chances relativement ouvertes à une organisation catégorielle relativement fermée, se restreint en outre de plus en plus.
Il n'y a pratiquement jamais de continuité réelle entre la vie dans les réserves où est parquée la jeunesse et ce champ spécialisé et - pour la plupart - assez limité de la vie des adultes. Le passage de l'un à l'autre est souvent marqué par une sensible rupture. On ne s'efforce que trop souvent de donner au jeune individu pendant son enfance et son adolescence l'horizon de connaissances et d'aspirations le plus vaste possible, une vision globale de l'existence, une sorte de rêve heureux, un îlot de l'enfance contrastant curieusement avec la vie qui l'attend à l'âge adulte. On développe en lui de multiples aptitudes que ses fonctions d'adulte ne lui permettront pas d'utiliser dans le cadre d'une telle structure, de multiples penchants que l'adulte devra répri-mer. C'est ainsi que se renforce véritablement dans l'intériorité de l'individu cette tension et ce divorce que nous avons évoqués. La puissance de la répression et de la modification des instinces n'est pas le seul élément qui intervient, la limitation et la spécialisation des fonctions dans le monde adulte, la violence de la concurrence et la tension entre différents groupes d'adultes rendent aussi particulièrement difficile le conditionnement de l'adulte et augmentent extraordinairement la probabilité qu'il échoue sur tel ou tel plan, que l'équilibre entre penchants personnels et tâches sociales demeure inaccessible.” Elias 67
Les fonctions accessibles à la grande masse des individus au sein d'une société comme la nôtre, où les tensions sont si nombreuses et la division du travail si accentuée, exigent une spécialisation plus ou moins étroite, tant que l'activité professionnelle occupe la majeure partie de la journée; elles ne laissent donc qu'une marge relativement restreinte et unilatérale aux capacités et aux inclinations de l'individu.
La perspective d'un quelconque changement ou d'un élargissement de cette marge, au cours d'une phase transitoire où la société passe d'une organisation des fonctions avec des chances relativement ouvertes à une organisation catégorielle relativement fermée, se restreint en outre de plus en plus.
Il n'y a pratiquement jamais de continuité réelle entre la vie dans les réserves où est parquée la jeunesse et ce champ spécialisé et - pour la plupart - assez limité de la vie des adultes. Le passage de l'un à l'autre est souvent marqué par une sensible rupture. On ne s'efforce que trop souvent de donner au jeune individu pendant son enfance et son adolescence l'horizon de connaissances et d'aspirations le plus vaste possible, une vision globale de l'existence, une sorte de rêve heureux, un îlot de l'enfance contrastant curieusement avec la vie qui l'attend à l'âge adulte. On développe en lui de multiples aptitudes que ses fonctions d'adulte ne lui permettront pas d'utiliser dans le cadre d'une telle structure, de multiples penchants que l'adulte devra répri-mer. C'est ainsi que se renforce véritablement dans l'intériorité de l'individu cette tension et ce divorce que nous avons évoqués. La puissance de la répression et de la modification des instinces n'est pas le seul élément qui intervient, la limitation et la spécialisation des fonctions dans le monde adulte, la violence de la concurrence et la tension entre différents groupes d'adultes rendent aussi particulièrement difficile le conditionnement de l'adulte et augmentent extraordinairement la probabilité qu'il échoue sur tel ou tel plan, que l'équilibre entre penchants personnels et tâches sociales demeure inaccessible.” Elias 67