Yann’s Reviews > Le dernier ennemi - Bataille d'Angleterre, juin 1940-mai 1941 > Status Update

J'étais vraiment reconnaissant qu'il fit nuit et d'être seul. Moi qui avais toujours répété la maxime: "Connais-toi toi-même!", je voyais maintenant ce qu'implique une vie par elle orientée. "Le sentiment d'être tout, l'évidence de n'être rien." Cela, c'était moi. "Le sentiment que j'étais tout et l'évidence que je n'étais rien."

Nous dégageâmes l'enfant le premier. L'homme de la Défense passive le passa à quelqu'un derrière lui, soigneusement, avec une espèce de respect étrange : il était mort. La mère devait l'avoir tenu contre elle, dans son lit, quand la bombe arriva.

"Il est regrettable qu'il m'ait fallu plus d'une année pour comprendre cela. Maintenant je suppose que je m'engagerai. Penses-tu que je doive le faire?" Je tressautai: la question m'avait pris au dépourvu. Assis là, en hypocrite, avec les "honorables" cicatrices d'une bataille où mon esprit ne se sentait pas engaé, je me sentis soudain tout petit. "Je ne sais pas David. C'est une question que tu peux seul résoudre. "

Mon visage mutilé lui faisait une impression pénible. Je fus amusé et soulagé qu'elle ne me plaignît pas, car la formule habituelle dont usaient les femmes en me voyant:"Pauvre garçon, combien vous avez dû souffrir!" me mettait mal à l'aise. Non que j'y visse un manque de tact, mais parce que je ne pouvais immédiatement détromper celles qui sympathisaient ainsi, en leur disant que leur pitié était mal placée.

S'il est quelque chose que je déteste cordialement, c'est d'être réveillé une heure plus tôt qu'il n'est nécessaire avec l'offre d'une tasse de thé trop fort et froid. Je trouvai enfin un moyen de faire cesser cette persécution. L'infirmière Courtney me promit que si je ne faisais plus de remarques à propos de l'Irlande, elle ne me réveillerait plus avec le thé. J'acceptais, disant que je pouvais me passer des deux.

J'étais arrivé à l'hôpital avec deux cicatrices à la lèvre supérieure; maintenant j'avais une lèvre pourrie et une oreille assez infectée pour tuer tout un régiment. On ne pouvait dire qu'une chose des médecins en Angleterre: ils commençaient leur métier là où la Luftwaffe avait fini le sien.

Peter avait eu raison: j'étais amoureux de la capitale. Le vent qui souffle sur la bruyère pouvait m'attirer un moment, mais le brillant de la cité l'emportait. L'estime de soi-même je suppose, est une des raisons de cet attrait. Dans la cité, œuvre de l'homme, on est quelqu'un, pieds au sol, vêtements sur le corps, l'égal de n'importe qui et la dupe de personne. A la campagne, œuvre de Dieu, on n'est rien.

Ken MacDonald, frère de Don, qui avait fait partie de l'Escadrillle A à Dyce, avait été tué. On l'avait aperçu sur le point de sauter de son appareil en feu à 300 mètres, mais comme il était au dessus d'une région très peuplée, il avait regrimpé dans la carlingue et écrasé son avion dans la Tamise.

Je me demandais comment était cet homme que je tuerais. Était-il jeune ? Était-il gras ? Mourrait-il avec le nom du Führer sur les lèvres ou, seul, conscient, en ce dernier instant de son individualité d'homme ? Je n'en saurais jamais rien. On était en train de m'attacher; automatiquement mon esprit vérifiait les commandes. Nous étions partis.

"Comment pouvions-nous attendre à voir beaucoup de chasseurs britanniques ? Un brouillard recouvrait les plages et ils étaient au dessus." Pourtant il avait vu un combat: un Spitfire isolé au milieu de quatre Junker. Pour lui, ç'avait été symbolique et il reconnaissait avoir prié. Si ce Spitfire s'en tirait, alors ils seraient tous sauvés. Sa prière fut exaucée.